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 Régions et innovation

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Volume 22, numéro 5 / septembre-octobre 2001
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Chicoutimi
Les chercheurs brisent la glace
Par Dominique Forget
Pour la majorité des Québécois, la tempête de verglas de janvier 1998 restera gravée dans la mémoire comme un événement incomparable. Et pourtant, cet épisode n'était pas sans précédents. Dans les années 1970, à deux reprises, de sérieuses tempêtes de neige et de verglas avaient fait tomber une dizaine de pylônes d'Hydro-Québec dans la région de la Côte-Nord. Quoiqu'ils aient plongé dans le noir une partie de la population, ces incidents n'ont pas eu que des conséquences fâcheuses. Ils ont aussi servi d'élément déclencheur à la création du Groupe de recherche en ingénierie de l'environnement atmosphérique (GRIEA), un centre de renommée internationale rattaché à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

« L'UQAC est située en milieu nordique, déclare Masoud Farzaneh, coordonnateur du GRIEA. Lors des épisodes de glace atmosphérique des années 1970, il était naturel qu'Hydro-Québec se tourne vers les chercheurs de Chicoutimi pour l'aider à résoudre les problèmes liés au givrage. » Au cours des trente dernières années, l'UQAC s'est bâti une solide réputation dans le domaine du givrage atmosphérique. Le GRIEA réunit aujourd'hui une cinquantaine de professeurs, chercheurs, étudiants, professionnels et techniciens.

En parallèle aux activités du GRIEA, qui portent sur des sujets très diversifiés, des groupes de recherche ultra-spécialisés dans divers domaines du givrage se sont formés à l'UQAC. Ainsi, le Laboratoire international des matériaux antigivre (LIMA) se consacre à l'étude du dégivrage des avions. Par ailleurs, l'UQAC a obtenu en 1997 le feu vert pour lancer la Chaire industrielle CRSNG/Hydro-Québec/UQAC sur le givrage atmosphérique des équipements de réseaux électriques (CIGELE). « La chaire est rattachée au GRIEA, mais son mandat est beaucoup plus spécifique », précise M. Farzaneh qui, en plus de superviser les travaux du GRIEA, agit comme titulaire de la CIGELE. « Comme son nom l'indique, la CIGELE concentre ses activités uniquement autour de l'étude des équipements électriques. »

L'infrastructure dont disposent les scientifiques de la CIGELE n'a rien d'ordinaire. Il y a un an, une subvention de près de trois millions de dollars a servi à la construction d'un tout nouveau pavillon dédié aux travaux réalisés par l'équipe du professeur Farzaneh. « Nous sommes maintenant dotés d'une infrastructure ultra-moderne comprenant un tunnel réfrigéré et trois chambres climatiques. L'une de ces chambres est munie d'un toit ouvrant qui permet de recueillir la neige et de simuler différents types de glace atmosphérique. » Les équipements comprennent également plusieurs appareils haute tension, dont un générateur de chocs de 800 000 volts ainsi que deux transformateurs de 350 000 et 120 000 volts. Les chercheurs peuvent ainsi reproduire en laboratoire les phénomènes de givrage des équipements haute tension. En plus des simulations physiques, l'équipe procède à des simulations par ordinateur ainsi qu'à des observations sur le terrain.

« Les problèmes auxquels s'intéresse la CIGELE sont de deux ordres, explique le professeur Farzaneh. D'abord, nous étudions les problèmes mécaniques. Il peut s'agir, par exemple, de la rupture de conducteurs ou de la chute de pylônes, causées par le vent, le givre ou la neige. En second lieu, nous étudions les problèmes électriques, comme le contournement des isolateurs. »

Les isolateurs sont des dispositifs placés entre les pylônes et les fils électriques. Leur fonction consiste à empêcher le courant qui parcourt le fil d'atteindre le pylône et, par conséquent, de se propager jusqu'au sol et dans l'environnement. « Lorsque l'isolateur est couvert de glace ou de neige, le courant peut être transporté par la fine couche d'eau qui se trouve à la surface de la glace ou à l'intérieur de la neige. Le courant peut ainsi contourner l'isolateur et rejoindre le pylône. On assiste alors à des étincelles spectaculaires et, au grand désarroi des consommateurs, à des pannes d'électricité importantes. »

L'importance des travaux réalisés par la CIGELE ne fait aucun doute. « Au Québec, le territoire est sillonné par plus de 120 000 kilomètres de lignes de transport et de distribution d'énergie électrique. Évidemment, beaucoup de ces lignes sont vulnérables au givrage. On peut constater à quel point des efforts accrus de recherche dans ce domaine sont importants pour notre pays et pour plusieurs autres faisant face au même problème. La tempête de verglas de janvier 1998 est venue nous le rappeler de façon fracassante. »

Les résultats obtenus par ces chercheurs ont fait l'objet de plus de 150 publications scientifiques depuis la création de la Chaire en 1997. Trois de ces publications ont d'ailleurs été retenues à titre de meilleur article scientifique dans le cadre de concours internationaux. En outre, un des modèles mathématiques développés par la Chaire a été retenu comme l'une des dix découvertes de l'année 1999 au Québec. Ce modèle, qui constitue une première mondiale, sert à prévoir l'arc de contournement des isolateurs recouverts de glace.

Une autre marque de reconnaissance est venue du prestigieux Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE). Cet organisme américain a confié au professeur Farzaneh la tâche de créer un groupe d'action qui se penchera sur le problème du contournement électrique des isolateurs. Les recommandations de ce groupe, qui comprend des spécialistes de plusieurs pays, permettront d'établir des normes internationales pour évaluer la performance des isolateurs destinés aux régions froides.

La renommée de la Chaire a permis à l'UQAC de nouer de nombreux partenariats, sur le plan tant national qu'international. « Sur le plan national, nous collaborons notamment avec les universités Laval, McGill, d'Alberta et de la Colombie-Britannique, avec l'École Polytechnique de Montréal ainsi qu'avec Énergie atomique du Canada. Sur le plan international, nous travaillons avec des chercheurs de l'École Centrale de Lyon en France ainsi qu'avec les universités de Savoie en France, de Karlsruhe en Allemagne et Chongqing en Chine. Il va sans dire que les étudiants bénéficient énormément de ces collaborations. Plusieurs d'entre eux effectuent une partie de leurs études aux cycles supérieurs dans ces universités, sous la supervision d'experts chevronnés. »

Selon Masoud Farzaneh, les travaux de la CIGELE ont permis de faire avancer considérablement les connaissances dans le domaine du givrage, en plus d'accroître la visibilité de l'UQAC et de la région du Saguenay - Lac-Saint-Jean. « Grâce à son leadership mondial ainsi qu'à son infrastructure de recherche imposante et unique, la CIGELE a fait de la région du Saguenay - Lac-Saint-Jean une plaque tournante pour la recherche sur le givrage atmosphérique. Aujourd'hui, l'UQAC arrive à recruter des chercheurs et des étudiants de calibre international. » 

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