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  Des watts dans la glace
 
     

Pas besoin d'une épaisse couche de verglas sur les isolateurs des réseaux de transport électrique pour causer des pannes ! Des chercheurs de l'Université du Québec à Chicoutimi ont réussi à prévoir quand elles se produiront afin, évidemment, de les éviter.

par Gilles Drouin


Verglas. Un tout petit mot qui ravive un cauchemar chez bon nombre de Québécois. Mais il n'y a pas que la « tempête du siècle » qui donne des maux de tête aux gestionnaires des réseaux électriques. Une accumulation de glace sur les isolateurs favorise la formation d'arcs électriques qui peuvent provoquer une panne.

Depuis 25 ans, la formation de glace sur les structures, en particulier dans le secteur du transport électrique, constitue l'un des principaux domaines d'étude d'une équipe de chercheurs de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), dirigée actuellement par Masoud Farzaneh. L'an dernier, les chercheurs ont réussi une première mondiale : prévoir la formation d'un arc. « Notre modèle est en mesure de déterminer le moment de formation des arcs électriques pour tout type d'isolateur dans des conditions données de givrage », précise le titulaire de la Chaire industrielle CRSNG/Hydro-Québec/UQAC sur le givrage atmosphérique des équipements de réseaux électriques (CIGELE).

Les chercheurs savaient déjà que le givrage atmosphérique se forme lorsque des gouttes d'eau gèlent en entrant en contact avec les arbres, pylônes, fils, tours de communication, avions ou routes. Ces gouttes d'eau sont dans un état de surfusion, c'est-à-dire qu'elles sont à une température inférieure à leur point de congélation. Le contact avec une surface provoque la solidification de l'eau en surfusion. « Le verglas est l'exemple le plus connu de glace atmosphérique, ajoute Masoud Farzaneh, mais le phénomène se produit aussi dans des nuages froids en altitude ou encore par simple condensation sous le point de congélation. La neige fondante peut aussi se transformer en glace atmosphérique. »

L'arc électrique se produit lorsque la très mince pellicule d'eau à la surface de la glace forme un milieu conducteur. Cette mince couche d'eau est d'autant plus conductrice qu'elle contient toute une gamme d'impuretés, particulièrement dans les zones urbaines et industrialisées. En effet, en gelant, l'eau expulse à la surface les impuretés qu'elle contient. Dans cette soupe chimique, le courant électrique trouve un chemin favorable qui lui permet de contourner l'isolateur; c'est ce qu'on appelle l'arc de contournement. Le court-circuit qui s'ensuit provoque une panne la plupart du temps.

Grâce à des installations qui permettent de reproduire les conditions de formation de glace atmosphérique sur des structures, l'équipe de la CIGELE a pu observer ce phénomène de près. « Nous avons ici l'installation la plus moderne du monde pour l'étude du givrage », souligne Masoud Farzaneh. Pour récolter des données sur la formation des arcs de contournement, les chercheurs ont adapté à l'étude de la glace une technologie de photographie à très haute vitesse, employée auparavant à l'Université de la Colombie-Britannique par des collaborateurs de la CIGELE, pour d'autres types de surfaces. « Cette technique, appliquée pour la première fois à l'étude de la glace, nous a permis d'observer ce qui se passe lors des premières nanosecondes (milliardièmes de seconde) d'une décharge électrique visible », explique le titulaire de la chaire, ce qui constitue un exploit scientifique sans précédent. « L'équipe de Chicoutimi a également utilisé une caméra vidéo capable de prendre 12 000 images à la seconde, poursuit Masoud Farzaneh, avec laquelle nous avons pu récolter, pour la première fois, des données fort intéressantes sur les principales étapes de la formation des arcs locaux, ainsi que sur leur développement en un arc de contournement. »

En regroupant toutes les données dans un modèle mathématique, l'équipe de la CIGELE a pu effectuer une simulation à l'ordinateur de la formation des arcs de contournement. Jusqu'ici, le modèle a été appliqué avec succès par les chercheurs d'Hydro-Ontario à leur réseau électrique de 500 kV, et il sera bientôt applicable sur le réseau de 735 kV du Québec. « Ce modèle pourra éventuellement servir à optimiser la conception et la configuration des isolateurs en fonction des conditions réelles d'opération, note Masoud Farzaneh. Par exemple, nous pourrions établir avec précision la longueur des isolateurs pour une région, en fonction de l'exposition de celle-ci à la glace atmosphérique. De cette façon, nous évitons de mettre en place des isolateurs plus longs qu'il est nécessaire, ce qui permet de limiter les coûts des infrastructures. » Cette approche serait applicable aux nouvelles lignes de transport électrique, mais elle pourrait également servir pour les lignes actuelles, là où les risques justifieraient le coût de remplacement des isolateurs en place.

 
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